tracteurs-e1415123703719Depuis début juillet, les éleveurs de porcs, les producteurs de viande bovine et de lait sont mobilisés contre la faiblesse des prix. Une manifestation derrière laquelle se cache une crise profonde, et déjà ancienne, de notre monde agricole. Décryptage avec Sens Commun.

Au-delà de l’énervement légitime que peuvent provoquer en nous déversements de lisier et blocages de la circulation, n’oublions pas les véritables situations de détresse. Nos agriculteurs travaillent comme des acharnés : semaine de 70 heures, absence de vacances et de week-ends, le tout pour un salaire de misère, quand salaire il y a. Ajoutons à cela de nombreux cas d’endettement et une retraite à 680 €. Comment s’étonner, dans de telles conditions, que le taux de suicide de la profession soit alarmant ?

Cette situation pose question. Comment la France, première puissance agricole européenne de l’après-guerre, a-t-elle pu en arriver là ? Les causes sont nombreuses, en voici une liste non exhaustive.

La première est sans doute liée au défaut de régulation du marché, alors même que les hérauts du libéralisme savent se protéger si besoin. A commencer par les barrières douanières. Quand il y a surproduction sur le marché américain, les Etats-Unis mettent fin à l’importation. En France, seul le prix fait la différence. Or, nos agriculteurs ne peuvent être compétitifs face à des pays comme la Pologne ou la Roumanie où le SMIC est inférieur à 700 € par mois et dont les normes environnementales n’ont pas encore atteint le niveau d’exigence français.

La deuxième est la politique agricole elle-même : l’abandon de la polyculture et de la pâture, la séparation des filières viande et lait alors que les vaches  nous offrent par nature les deux… Dans les agricultures modernes, beaucoup de choses se font en dépit du bon sens. La recherche de rentabilité et l’engouement excessif pour la technique ont hélas gommé toute vision d’ensemble. En créant des agriculteurs experts, trop dépendants de l’industrie agroalimentaire, notre formidable réseau de fermes polyvalentes, mieux à même de résister aux crises et de nourrir le pays, a disparu.

La troisième est pour Sens Commun la plus essentielle : il s’agit d’une responsabilité beaucoup plus globale, celle de notre société de consommation toute entière. Dans un monde où nous voulons toujours acheter plus, il est rassurant de croire que les grandes surfaces se battent pour nous permettre de payer toujours moins cher. Mais pour quelle qualité ? Et avec quel impact sur l’environnement ? Quand on habite à Brest et qu’on mange du porc d’Allemagne, cela a un impact non seulement sur les éleveurs voisins, mais aussi sur la planète.

Alors si nous commencions par changer nos comportements ? Encourageons donc le développement des initiatives types « Panier bio » ou AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne).  Ce n’est pas beaucoup plus cher qu’en grande surface et a l’avantage de rapprocher notre assiette de l’agriculteur. Favorisons le développement des circuits courts, consommons des produits de saison et acceptons de peut-être dépenser moins par ailleurs pour manger mieux.

Bien sûr, cela ne sera pas suffisant. A Sens Commun, nous pensons que pour que l’agriculture aille mieux, il est primordial de simplifier drastiquement la règlementation actuelle et de réviser la fiscalité. Il faut aussi lutter contre le grignotage des terres agricoles (55 000 hectares cette année). L’agriculture a besoin d’une véritable réforme de fond et non d’un énième plan d’urgence, qui ne fera que reporter et empirer le problème. La hauteur de la tâche ne doit pas nous faire baisser les bras : pourquoi ne pas commencer par mieux connaître nos agriculteurs et par les soutenir en achetant  français autant que possible ? Il n’existe pas meilleur moyen de leur prouver que nous admirons ce qu’ils font et que ce ne sont pas là que de vains mots.