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Article paru sur Lepoint.fr

Ils veulent « faire basculer les rapports de forces internes » à l’UMP. « Ils », ce sont plusieurs centaines de jeunes issus du mouvement anti-mariage pour tous, bien décidés à obtenir par les urnes ce que la rue ne leur a pas donné. Parmi eux, cinq « personnalités » qui ont compris que, puisque la Manif pour tous ne renoncerait pas à son apolitisme, il leur fallait prendre leurs propres initiatives. Et qui ont conclu que l’UMP, « famille politique naturelle » de la majorité des manifestants, était leur meilleure carte à jouer pour 2017. À condition de transformer cette UMP, dans laquelle peu se reconnaissent aujourd’hui.

Pour cela, ils s’apprêtent à lancer Sens commun, une association politique au sein du parti d’opposition. Les cinq pilotes du projet sont des figures connues de la sphère « LMPT » : Sébastien Pilard, 34 ans, un entrepreneur nantais ancien responsable Grand Ouest de la Manif pour tous, qui présidera le mouvement ; François-Xavier Bellamy, 28 ans, maire adjoint de Versailles, qui en sera le secrétaire général ; Marie-Fatima Hutin, 29 ans, l’une des « Marianne » de la Manif pour tous, qui occupera les fonctions de trésorière ; Arnaud Bouthéon, 40 ans, qui avait joué le rôle de directeur de cabinet auprès de Frigide Barjot ; et Madeleine de Jessey, 24 ans, cofondatrice des Veilleurs et désormais porte-parole de Sens commun.

« Réconcilier la politique avec le réel »

L’objectif est, bien sûr, de pousser l’UMP à revenir sur la loi Taubiraet à « restaurer le mariage homme-femme ». Mais pas seulement. Car, aux yeux de ces jeunes, la légalisation du mariage gay n’est qu’une partie du problème, le dernier avatar de « la crise que traverse laFrance » et qui « tire sa source d’une seule origine », ainsi formulée dans une charte dont le Point.fr a pu se procurer quelques extraits : « Dans tous les lieux de notre vie collective, nous avons trop souvent choisi de nier le réel pour mieux imposer la satisfaction de nos intérêts immédiats, individuels ou sectoriels. Les pratiques politiques issues de cette tendance ont systématiquement sacrifié l’avenir des générations futures, engendrant ainsi les tensions, les divisions et les angoisses auxquelles nous sommes actuellement confrontés. »

Loin de se cantonner à des questions sociétales, Sens commun a donc l’intention de travailler à l’élaboration de propositions pour l’ensemble des domaines de la politique, qu’il s’agisse d’emploi, d’éducation ou même d’écologie. « Il faut, sur tous les plans, réconcilier la politique avec le réel », proclame le mouvement, qui entend « influer » sur le programme de l’UMP.

Droit de suite

Le plan est en gestation depuis plusieurs mois, et les prises de contact avec les élus de droite sont déjà bien entamées. Certains accueillent l’initiative avec enthousiasme, d’autres avec circonspection. Les premiers à s’en féliciter sont Hervé Mariton et Laurent Wauquiez, qui s’étaient engagés médiatiquement en faveur de la Manif pour tous. « Vouloir exercer de l’influence, c’est un désir raisonnable quand on est un citoyen actif », commente en souriant le député de la Drôme, qui reconnaît sobrement des « communautés de point de vue ». Plus disert, son homologue de Haute-Loire n’hésite pas à déclarer : « Je fais partie à l’UMP des gens qui disent qu’il faudra revenir sur la loi Taubira. Eh bien, j’ai besoin de soutien ! L’ampleur de la mobilisation dans laquelle ces jeunes se sont engagés leur permet d’exiger un droit de suite : qu’ils viennent s’assurer qu’on le leur donne effectivement. Je considère normal qu’ils s’organisent, j’y aspire même parce qu’ils peuvent nous aider à faire passer ces idées qu’on est plusieurs parlementaires à partager. »

Du côté de Guillaume Peltier et de la Droite forte, on attend d’en savoir un peu plus pour se prononcer, rappelant que la motion majoritaire défend déjà l’idée d’une révision de la loi sur le mariage homosexuel et mettant en garde contre un « risque communautariste ». Comme à son habitude, Nicolas Sarkozy surveille tout de loin, observant avec bienveillance, mais sans prendre position, l’émergence de ce mouvement né de la Manif pour tous. Quant à Jean-François Copé, il doit recevoir ce vendredi les fondateurs de Sens commun. Si l’on ignore encore l’accueil qu’il leur réservera, on peut imaginer que le président du parti ne dédaignera pas un vivier potentiel de nouvelles recrues. Et pour une fois, on ne pourra pas l’accuser de récupération, puisque, au contraire, ce sont ces jeunes qui veulent « récupérer » l’UMP…