Tribune de Madeleine de Jessey cofondatrice de Sens Commun publiée sur http://www.bvoltaire.fr 

 

Une fois de plus, on vous parle d’un nouveau mouvement politique censé réformer « le système » et le renouveler « de l’intérieur ». Une fois de plus, on vous dit que « cette fois, ce sera la bonne ». Alors, bien sûr, vous n’y croyez pas. Vous vous exhortez vous-même à ne pas désespérer – personne n’aime les Cassandre – pour prophétiser quelques lignes plus loin l’échec fatal du mouvement. Comment « Sens commun », jeune association fondée par cinq inconnus, pourrait-elle réussir là où bien d’autres, plus puissants et expérimentés, ont échoué ? Vous avez raison : nous n’y arriverons pas… sans vous. Tant que vous considérerez notre échec comme acquis, il le sera effectivement. « Sens commun » n’a, par définition, de sens que s’il devient un engagement collectif et massif. Un certain nombre d’échecs passés viennent de la solitude et de l’isolement dans lesquels se sont retrouvés ceux qui ont tenté de s’engager. 

Nous sommes lucides quant à l’issue possible de notre initiative. Si nous la lançons malgré tout, c’est qu’il y a une différence fondamentale entre hier et aujourd’hui. Par trois fois, au printemps dernier, une France que beaucoup disaient morte, voyaient enterrée, a prouvé qu’il lui restait non seulement des convictions mais aussi la volonté et l’énergie de les défendre. Ceux que nous avons surpris par notre nombre et notre détermination ont alors cherché à décrire ces manifestations comme un « dernier baroud d’honneur », le dernier sursaut d’un cadavre. Nous savons, nous, qu’il s’agit au contraire d’un coup d’envoi. Le coup d’envoi d’une révolution culturelle qu’il faut maintenant poursuivre sur le terrain, à toutes les échelles de la société. Et cela passe aussi par l’UMP, qui reste, de fait, un parti majoritaire.

« L’UMP d’aujourd’hui », nous dit-on, « c’est celle de NKM et Copé ». Pourquoi leur en laisser l’exclusivité ? « C’est un vaste conglomérat de gens qui pensent avant tout à afficher une étiquette politique vendable à l’électeur ». Il ne tient qu’à nous de leur démontrer que l’étiquette la plus vendable, c’est la nôtre. Si l’UMP est opportuniste, soyons sa meilleure opportunité ! Il ne s’agit pas de se laisser récupérer mais de récupérer ce qui devrait nous appartenir en premier lieu.

L’histoire montre que c’est toujours la minorité la plus engagée qui finit par entraîner avec elle la majorité indolente. Les soixante-huitards n’étaient pas les plus nombreux, mais ils sont, à force d’efforts et de persévérance, parvenus à imposer des idées qui, 40 ans plus tôt, semblaient encore irréalistes. Devenons, à notre tour, la minorité la plus engagée. Ce qu’ils ont fait pour leur idéal, nous pouvons le faire pour le nôtre.

Cela demande du travail et de la patience. Cela implique de ne pas « prendre la porte », comme certains nous le suggèrent, parce qu’un combat d’idées ne se mène pas à « l’extérieur », dans la confrontation d’un « eux » et d’un « nous », mais bien à l’intérieur, dans la conversion du « eux » en « nous » : au cœur de la société, à tous les niveaux, dans tous les partis, auprès de tous les décideurs. « C’est impossible, jusqu’à ce que ce soit réalisé », disait Nelson Mandela. Il n’y a pas de fatalité, il n’y a que des fatalistes.