Chers amis,

Vous le savez peut-être : l’Assemblée Nationale a ouvert hier sur son site une grande consultation citoyenne sur une proposition de loi sur la fin de vie, présentée MM. Alain Claeys et Jean Leonetti.

Je tenais à vous écrire pour vous demander d’y prendre part : derrière l’intention louable de permettre aux personnes de bénéficier d’une mort apaisée, cette proposition de loi cherche à légaliser, de façon masquée, l’euthanasie.

Nous devons accompagner les personnes malades et/ou en fin de vie en n’oubliant jamais que leurs vies sont dignes et que personne ne doit avoir le droit d’y mettre fin.

Afin de vous aider à prendre part à ce débat, vous trouverez ci-dessous quelques éléments explicatifs. Nous vous invitons tout particulièrement à commenter les articles 3 et 8 de ce projet, qui nous semblent les plus nocifs. Bien sûr, ces arguments ne sont pas exhaustifs : à vous de vous les approprier, de les compléter, d’en inventer de nouveaux… Bref de faire entendre votre voix car si vous ne le faites pas, d’autres prendront votre temps de parole !

Ne remettez pas à demain votre participation à cette consultation : les enjeux sont trop importants :

http://www2.assemblee-nationale.fr/consultations-citoyennes/droits-des-malades-et-fin-de-vie

C’est dans de telles situations qu’un engagement politique prend tout son sens.

Nous comptons sur vous,

Sébastien Pilard


Proposition de loi (n° 2512) créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie présentée par MM. Alain Claeys et Jean Leonetti

Article 3 : Sur la sédation :

La sédation consiste à endormir une personne pour supprimer sa perception de la souffrance. 

Ce que dit la loi :

  • Instauration d’un droit à la sédation profonde sur demande du patient.
  • Dans cette proposition, la nature de cette sédation (avec ou sans volonté de provoquer la mort) n’est pas explicite.
  • Mais son objectif est de provoquer « une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès ».
  • Elle propose aussi d’arrêter l’ensemble des traitements de maintien en vie, c’est-à-dire d’arrêter l’hydratation.

Ce que nous en pensons :

  • Aujourd’hui, le soignant doit chercher la dose minimale efficace et conserver la possibilité de redonner conscience au patient : pourquoi supprimer ces notions ?
  • Imprécision totale de cette proposition : qu’entend-on par « profond » ou par « continu » ? « Jusqu’au décès » signifie-t-il jusqu’à ce que la sédation provoque le décès ? Ou alors que la sédation ne doit être levée qu’au moment du décès ?
  • Arrêter les traitements de maintien en vie, c’est arrêter l’hydratation : administrer un sédatif en état de déshydratation entraîne le surdosage de celui-ci. L’intention de provoquer la mort devient indéniable.

 Article 3 : Sur la volonté du patient :

Ce que dit la loi :

Si le patient exprime le souhait de sa sédation, le médecin est obligé de la respecter dans les cas suivants :

  • Lorsqu’il est atteint d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et présente une souffrance réfractaire au traitement : il s’agit des patients en fin de vie déjà concernés par la loi Leonetti de 2005.
  • Lorsque qu’il est atteint d’une affection grave et incurable et que l’arrêt du traitement engage son pronostic vital à court terme : il s’agit de patients qui ne sont pas en fin de vie, mais qui s’y mettent en demandant l’arrêt de leurs traitements.
  • « Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et dans le cadre du refus de l’obstination déraisonnable. » : Il s’agit des patients en état végétatif chronique et pauci-relationnel (état de conscience minimale), soit 1 700 personnes en France.

o Le patient doit avoir exprimé au préalable sa volonté.

o Son cas doit être examiné par un collège de médecins.

o Alors le médecin aura l’obligation de suspendre les traitements ainsi que la nutrition et l’hydratation.

Ce que nous en pensons :

  • La demande de sédation, lorsqu’elle est exprimée par des patients gravement malades, peut être justifiée si le traitement est disproportionné. Le soignant doit alors avoir l’objectif d’atténuer la douleur, mais pas de donner la mort.
  • Comment être sûr que le patient exprime son souhait pour des raisons médicales objectives et non par peur de la vulnérabilité ou de la souffrance ?En accédant à de telles demandes sans laisser place à l’analyse du médecin, on entre dans une logique d’aide au suicide.
  • Jusqu’à présent, le médecin devait tout mettre en œuvre pour convaincre le patient d’accepter les soins indispensables : pourquoi avoir supprimé cette mention dans la nouvelle proposition de loi ?
  • Si une personne est en état de conscience minimale, elle n’est pas nécessairement en fin de vie : sur quels arguments est-elle concernée par une loi sur la fin de vie ? En raison de la sédation profonde permise par cette loi, elle pourra décéder rapidement : peut-on appeler ça autrement qu’une euthanasie ?
  • « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit » (Art 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme) : les patients en état de conscience minimale, comme Vincent Lambert, seraient donc des êtres humains moins dignes que les autres ?
  • Comment savoir ce que ressent une personne en état végétatif ? Au Canada, Martin Pistorius s’est réveillé après 12 dans le coma. Il était conscient de tout. Aujourd’hui, il est marié et heureux. De tels témoignages sont la preuve qu’il devrait être impossible de traiter ces personnes comme si elles n’existaient plus, comme si leur vie ne valait plus rien. Qu’il devrait être impossible de les affamer jusqu’à la mort sous prétexte qu’elles l’auraient demandé par écrit 5 ans auparavant, dans un état de vie différent. Le rôle des soignants est de les stimuler et de leur fournir des thérapies pour les aider à récupérer leurs capacités.

Article 8 : Directives anticipées

Ce que dit la loi :

  • Elle rend contraignante l’application des directives anticipées – possibilité existant depuis 2005 qui consiste à écrire ses souhaits relatifs à la fin de vie dans le cas où la personne ne serait plus en état d’exprimer ses volontés.

Ce que nous en pensons :

  • Comment donner une valeur d’absolu à une directive écrite à un moment T de sa vie, dans un bon état de santé ? Comment anticiper ses volontés face à la maladie ?
  • L’expérience dans les hôpitaux montre que la volonté des patients est fluctuante : le cas de Philippe Pozzo di Borgo, le héros du film Intouchable, en est le meilleur exemple : après son accident, il reconnaît avoir voulu se suicider mais est aujourd’hui « heureux qu’on ne l’ait pas débranché ».
  • Cet article n’évoque même pas la question de l’objection de conscience alors que le médecin pourrait être forcé d’agir contre les règles de déontologie, et en particulier contre l’interdit de donner intentionnellement la mort.

En conclusion :

L’un des auteurs de cette proposition, Alain Claeys l’a dit lui-même: « pour la première fois, nous parlons d’une aide à mourir, et non plus seulement du laisser mourir ».

Cette proposition de loi remplace le raisonnement médical par des protocoles imposés au médecin et rend contraignantes des directives écrites parfois des années avant, en décalage total avec la réalité alors vécue par le patient.

Cette proposition de loi supprime l’un des fondements de la médecine : l’interdit de tuer. Elle détruit la confiance entre le soignant et le soigné.

« Il (le médecin) n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. » (art. 38 du code de déontologie médicale ; art. R.4127-39 du code de santé publique)