Le projet de loi Macron destiné à « lever les freins de l’activité » et « déverrouiller l’économie » englobe des problématiques extrêmement variées : travail dominical, transport en autocar, professions réglementées… À gauche comme à droite, des dissonances se font entendre. Voici quelques éléments pour vous aider à y voir plus clair !

Assouplissement du travail le dimanche

Ce que prévoit le projet de loi :

– Ouverture 5 dimanches par an des commerces sans autorisation, 12 avec autorisation.

– En zone touristique, ouverture des magasins jusqu’à minuit.

– Versement par le commerce d’une compensation salariale en cas de travail du dimanche.

Ce que nous en pensons :

– Le souhait d’apporter plus de flexibilité au sein de l’économie et en soutien à nos entreprises est louable. Mais beaucoup d’économistes sont très réservés sur les bénéfices d’une telle réforme hors zone touristique.

– Les salariés du commerce sont en grande majorité des femmes vivant en grande banlieue et qui devront alors aménager avec difficulté un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.

– Le volontariat se transformera inévitablement d’une manière ou d’une autre en obligation à travers de fortes incitations ou des discriminations à l’embauche.

– Cette loi est emblématique d’un libéralisme social qui s’attaque à des acquis sociaux (le repos dominical) et met au centre non pas l’homme mais le profit supposé.

Ce que nous proposons :

– De nombreux autres outils pourraient plus utilement remplir ce rôle d’assouplissement de notre économie : flexibilité du temps de travail, défiscalisation des heures supplémentaires, que le gouvernement actuel s’est empressé de supprimer.

– Autoriser en milieu urbain l’ouverture des commerces jusqu’à minuit à condition que ces emplois après 19h30 soient des emplois jeunes, confiés exclusivement à des étudiants, afin de les aider à financer leurs études et leur logement.

Libéralisation du transport en autocar

 Ce que prévoit le projet de Loi :

– Ouverture à la concurrence par la fin d’un système d’autorisation pour les systèmes d’ouverture de bus longue distance. Les courtes distances ne seront pas concernées pour ne pas mettre en danger le réseau TER (déjà lourdement déficitaire).

 Ce que nous en pensons :

Particularité très française, aujourd’hui les transports entre les villes françaises sont un monopole de la SNCF. Le succès des moyens de transport alternatifs type covoiturage a démontré le besoin d’une offre plus large souhaitée par les Français. Cette ouverture à la concurrence pour les bus longue distance, qui a déjà fait ses preuves à l’étranger (Royaume-Uni, Allemagne…), apportera indéniablement une augmentation du pouvoir d’achat des utilisateurs (800 millions d’euros selon l’Autorité de la concurrence), sans compter la création d’emplois liés au développement de cette activité.

Il faut enfin ajouter que cette libéralisation du transport en autocar, loin de faire de l’ombre au réseau ferré, permettra de relier des villes qui ne le sont pas actuellement telles que Lyon et Bordeaux.

Mais Attention :

– Les prévisions du gouvernement sont excessivement optimistes : passer de 110 000 usagers à 5 millions pour cette filière. Compliqué quand le gouvernement ne choisit pas pleinement la libéralisation en ménageant le réseau TER, contrairement à ce qu’il se passe dans les autres pays européens. Les résultats seront sûrement positifs, mais éloignés des prévisions gouvernementales sur le pouvoir d’achat.

– Rien n’est fait concernant le gouffre pour les collectivités qu’est le réseau TER. Il peut même souffrir indirectement de cette libéralisation.

 Ce que nous proposons :

– Remplacer la desserte ferroviaire assurée par des TER trop peu remplis et extrêmement coûteux pour les collectivités par une desserte routière (cars électriques) lorsque les lignes sont courtes.

Ouverture à la concurrence des professions réglementées

Ce que prévoit le projet de loi :

– Libéralisation de l’installation de nouveaux huissiers, notaires et commissaires-priseurs,

– Bouleversement des grilles tarifaires,

– Ouverture du capital à d’autres professions.

Ce que nous en pensons :

 Une profession règlementée dans le domaine juridique a pour intérêt de garantir la qualité du service rendu, de garantir l’indépendance des professionnels en leur interdisant d’exercer d’autres activités afin de prévenir tous conflits d’intérêt. Pour certaines professions, la règlementation constitue également une garantie de bonne fin de mission.

Sous ces aspects, la règlementation paraît peu critiquable et la dérèglementation aurait pour risque de voir apparaître un service de moindre qualité avec une sinistralité plus élevée et une moins bonne indemnisation des victimes. Sans parler des conflits d’intérêts qui fleuriraient partout…

 Par ailleurs, la dérèglementation entrainerait la liberté d’installation et la fin du barème de rémunération (donc honoraires libres), raison pour laquelle les professionnels déserteraient les régions peu attirantes pour privilégier les bassins économiques les plus rémunérateurs, entrainant la désertification de certaines régions.

 Enfin, incapable d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, le gouvernement s’attaque par démagogie et idéologie à ces professions qui fonctionnent en réalité plutôt bien aujourd’hui, et ne posent pas tant de difficultés.

 Ce que nous proposons :

Une libéralisation maîtrisées de ces professions dans l’objectif d’une saine concurrence entre professionnels permettrait l’amélioration de la qualité du service rendu, en mettant en avant les professionnels les plus compétents. Cela devrait être le seul axe de réflexion de la réforme.

Epargne salariale et actionnariat salarié

Ces projets vont dans le bon sens, car ils permettent d’assouplir beaucoup de procédures trop complexes pour les PME actuelles. Mais le problème, c’est qu’elles sont lourdement handicapées par la situation économique et la quantité de charges pesant sur les entreprises, qui sont un frein fort au développement de ces projets.

La loi Macron abroge en revanche la « prime de partage des profits » de Nicolas Sarkozy, qui obligeait les entreprises augmentant leurs dividendes deux ans de suite à une redistribution au profit de leurs salariés.

Délais raccourcis pour les juridictions prud’hommales

Ce que propose le projet de loi :

– Procédures simplifiées pour délais raccourcis,

– Formation des conseillers,

– Plus forte responsabilité du pouvoir judiciaire et des inspecteurs du travail.

Ce que nous en pensons :

Nous y sommes plutôt favorables (mais pas franchement convaincus) : Une réforme est nécessaire, car les délais atteignant les 27 mois sont beaucoup trop longs. Mais la réforme semble avoir été faite avec de gros soucis de concertation avec les partenaires : différentes versions présentées, le conseil d’Etat saisi au mauvais moment… En outre, le rapporteur annonçait un renforcement (nécessaire) des conciliations, et rien ne figure dans la loi. L’instauration du « circuit-court » va à l’inverse de la notion de professionnalisation des procédures.

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