Tribune de Madeleine de Jessey dans Le Figaro

Par-delà les questions de consignes, qui n’intéressaient finalement que ceux qui les énoncent, la défaite de Charles Demouge dans le Doubs et la victoire de justesse du PS face au FN ont jeté la lumière sur le véritable talon d’Achille de l’UMP: l’absence de fond. Et pour cause: trois années durant, l’UMP s’est fourvoyée dans des guerres claniques, au mépris de ses électeurs et de l’avenir de notre pays. Trop occupée à bâtir une nouvelle pyramide des ego, elle en oubliait, entre autres, de se pencher avec sérieux sur le programme du Front national.

Ce dernier a pour principal atout d’être aujourd’hui…

le réceptacle de l’inquiétude légitime des Français face à l’échec de notre modèle d’intégration: il serait temps d’avoir le courage et la lucidité de prendre la problématique à bras-le-corps, au lieu d’en faire indéfiniment la chasse gardée du FN (qui aborde ce sujet avec les excès et les approximations que l’on connaît). Le parti de Marine Le Pen a en effet ceci de trompeur qu’il fait parfois de bons constats… pour proposer ensuite des solutions totalement déconnectées du réel, à commencer par le domaine économique -ce qui s’avère réellement problématique en temps de crise. Car évidemment, de la retraite à 60 ans, des nationalisations ou des dépenses publiques en explosion, il ne faut rien attendre: non seulement parce que le FN n’a pas le premier euro pour les financer, et surtout parce que ces vieilles recettes ont déjà été essayées avec le succès que l’on sait. Souvenez-vous de 1981… et du tournant de la rigueur de 1983. Faut-il y voir chez le FN une nostalgie des années Mitterrand? La solution n’est pas de se tourner vers le passé, mais de faire face à l’avenir.

Il ne suffit pas de critiquer

Pour autant, il ne nous suffira pas de critiquer ces idées. Et nous ne serons fondés à le faire que lorsque nous aurons une véritable alternative à leur opposer. Car ce qu’il nous faut, ce que les Français attendent de nous, c’est avant tout un projet qui leur redonne un cap, un nouveau souffle et une espérance. Tel est le défi qui nous attend dans les prochains mois, malgré une année électoralement chargée. Face à une crise globale, il nous faudra changer de logiciel, apporter des solutions radicalement nouvelles et avoir le courage, si nous parvenons au pouvoir, de les mener jusqu’au bout. Or ce changement radical passera par le choix résolu du réel : renoncer aux idéologies ou aux approches partisanes qui aiment à déformer la réalité, et apporter des solutions basiques, simples et justes.

Ce changement radical doit encore passer par une plus grande écoute des aspirations de la société civile et une implication accrue des militants dans les prises de décisions, qui sont encore trop souvent le fruit de comités restreints. Il faudra sillonner la France, rencontrer ceux qui la peuplent, recueillir leurs idées, et privilégier le contact direct avec les Français.

Car ce changement ne doit pas seulement s’inscrire dans les idées : notre façon de faire de la politique doit  elle aussi changer en sortant du jeu de la petite phrase, ou encore en fuyant les polémiques stériles qui exaspèrent les Français et écornent chaque jour un peu plus l’image que renvoie la classe politique. Ce n’est qu’à cette condition que nous retrouverons la crédibilité qui nous permettra d’agir.

On ne peut rassembler sur du sable mouvant

La priorité actuelle de l’UMP est de maintenir à tout prix son unité. Au sortir de deux années de luttes fratricides, l’intention de rassembler la droite par-delà les chapelles semble en effet nécessaire. Pour autant, elle ne doit pas nous dispenser de donner à notre mouvement des fondements solides. On ne rassemblera pas sur du sable mouvant, pas plus qu’on ne bâtira l’avenir sur des fondations précaires. Et à vouloir ménager tout le monde, on court le risque de ne satisfaire personne. D’autant que certains sujets réclameront tôt ou tard une orientation claire : souhaite-t-on poursuivre la fuite en avant européenne, ou avoir le courage de reconnaître que l’Europe actuelle ne fonctionne pas et que la meilleure de conserver le projet européen est de le changer avec pragmatisme, dans le respect de la souveraineté des peuples et en relançant l’Europe des projets ? Voit-on en l’homme une donnée secondaire face aux impératifs économiques, ou une fin en soi ? Considère-t-on la question de l’identité comme la chasse gardée du FN, ou voit-on en elle une priorité pour faire face aux défis de l’intégration, de la lutte contre le terrorisme et de la mondialisation ? Veut-on poursuivre le pédagogisme qui a conduit l’école à l’échec, ou entend-on faire d’elle notre priorité, un tremplin social pour notre jeunesse et un ferment d’unité et de fierté culturelle pour notre nation ?

Avant de se lancer sur le « comment », il faudra d’abord se mettre d’accord sur le « quoi » et le « pour quoi ». Que veut la droite ? Quelle droite voulons-nous ? Beaucoup de militants ont des réponses précises à ces questions et n’attendent qu’une chose : être écoutés par ceux qui les dirigent. Avec eux, nous avons posé les principes auxquels nous croyons et qui nous rassemblent, les lignes directrices que nous souhaitons donner à notre parti pour qu’il renaisse. De ce travail de concertation est né notre manifeste : « La Droite que nous voulons ». Nous croyons fermement en la capacité de l’UMP à se reconstruire, à condition qu’elle se donne à nouveau une colonne vertébrale pour tenir debout, des militants pour la mettre en mouvement et un cap bien défini pour lui permettre d’avancer, avec confiance, vers le grand jour.

 Tribune Figaro