Interview de Sebastien Pilard, co-fondateur de Sens Commun publiée sur lepoint.fr 

Nous vous avions révélé son existence en octobre. Sens commun, l’association politique créée par d’anciens militants de la Manif pour tous, sera officiellement lancé ce jeudi au siège de l’UMP. À en croire Sébastien Pilard, son président, tout le monde, de Jean-François Copé à Nicolas Sarkozy, accueille « avec bienveillance » ce nouveau mouvement qui ne se cache pas de vouloir abroger la loi sur le mariage homosexuel et, plus largement, d’influer sur tout le programme de l’UMP. 

Le Point.fr : Qu’entendez-vous accomplir avec ce nouveau mouvement ?

Sébastien Pilard : L’objectif de Sens commun est d’abord de créer un sas crédible et de confiance pour permettre à un certain nombre de Français de s’engager et de peser sur l’environnement politique. Les manifestations du printemps dernier ont permis une prise de conscience. On s’est rendu compte qu’on a laissé pendant trop longtemps notre place à d’autres, que la logique de la chaise vide ne fonctionne pas et qu’aujourd’hui il nous faut absolument réinvestir le champ politique.

Ces Français dont vous parlez, ce sont ceux de la Manif pour tous ?

Pas uniquement. Bien sûr, nous en appelons à ceux qui se sont réveillés dans le cadre du mouvement social. Mais également aux gens qui, sans être descendus dans la rue, se sentent proches de nos convictions et de nos valeurs et estiment qu’elles doivent être portées politiquement. Je pense aussi à tous ceux qui sont déjà à l’UMP : nous voulons qu’ils puissent s’unir à nous pour qu’en 2017, dans le cadre des primaires, on puisse tous influer sur le choix et le programme du candidat aux présidentielles.

En rejoignant l‘UMP, vous confirmez le caractère politique de la Manif pour tous, qui a pourtant toujours prétendu être apolitique

Pas du tout. La Manif pour tous, c’est la Manif pour tous, elle reste en dehors des cadres partisans. Et puis tout le monde à Sens commun n’en a pas forcément fait partie ! À titre personnel, j’ai oeuvré dans le cadre du collectif LMPT. Mais aujourd’hui, j’en suis sorti : j’ai quitté l’environnement social pour oeuvrer dans un environnement politique. Ils sont évidemment liés, mais il y a une distinction claire entre les deux et aucune confusion ni mélange de genres.

Comment l’UMP vous a-t-elle accueillis ?

Très bien. J’insiste sur le fait que ce n’est pas l’UMP qui est venue nous chercher, mais nous qui avons fait la démarche, après une longue réflexion, de venir lui présenter un projet. On a été reçus par un grand nombre de personnalités du parti, à vrai dire presque toutes, dont évidemment Jean-François Copé. Nous avons aussi rencontré Nicolas Sarkozy. Et nous sommes dans l’attente d’un rendez-vous dans les prochaines semaines avec François Fillon.

Que vous a dit Nicolas Sarkozy ?

Il nous a reçus avec bienveillance. On a beaucoup discuté de la Manif pour tous, il a suivi toute cette mobilisation avec intérêt. Et il nous a donné sa vision des choses sur elle et sur Sens commun. C’était vraiment très bienveillant. Mais, encore une fois, il s’agit simplement d’une présentation, non d’une validation. Nous ne demandons rien à qui que ce soit. Nous allons travailler, nous allons nous structurer seuls.

Dans ce cas, pourquoi intégrer l’UMP ? Pourquoi ne pas monter un parti indépendant ?

Ce serait un déni de réalité de ne pas reconnaître que l’UMP s’est quand même fortement mobilisée dans le cadre du mouvement social, et de penser qu’on puisse être efficaces en se passant totalement d’un parti qui reste majoritaire. De plus, on voulait éviter d’avoir ce côté romanesque de création de notre propre parti, où évidemment on serait tous d’accord entre nous, à petit comité. Il faut convaincre les gens qui sont proches de nos idées, et l’UMP en fait partie. Pourquoi la laisser à d’autres plutôt que d’y porter nos valeurs ?

Quelles sont ces valeurs ?

L’élément fondateur de Sens commun, c’est de réconcilier le politique avec le réel. C’est basique : si nous ne faisons pas des constats ancrés dans le réel, nous ne pourrons pas mettre en place les solutions. Nous tenterons d’appliquer ce prisme à tous les pans de la politique française, les sujets sociétaux, bien sûr, mais pas seulement. Nous ne resterons pas cantonnés à ces questions et travaillerons aussi sur les terrains économiques, écologiques, éducatifs, etc.

Se réconcilier avec le réel n’est-ce pas précisément reconnaître qu’il y a des couples homosexuels et qu’ils peuvent avoir le droit de se marier ?

Le réel, c’est évidemment reconnaître qu’il y a des couples homosexuels, nous ne sommes pas dans la négation de ces personnes ou de leurs droits. Mais le réel, c’est d’abord reconnaître que tout enfant a droit à un père et une mère, un couple formé par le mariage d’un homme et d’une femme. Et ça, c’est le b-a-ba du réel. C’est la raison pour laquelle la loi sur le mariage gay a été à l’origine du réveil d’un certain nombre de Français qui ont senti une déconnexion de la politique et du réel.

Et où est le réalisme dans l’idée d’abroger la loi Taubira, alors que des centaines de mariages gay ont déjà été célébrés ?

Politiquement, rien n’est irréversible, il faut simplement avoir des convictions résistantes. Nous allons mettre en place un groupe de travail pour vérifier la faisabilité technique de cette abrogation. Si l’abrogation est faisable techniquement, je dis bien techniquement, nous pèserons au sein du parti pour qu’il tienne les engagements qu’il a pris implicitement en appelant à manifester contre cette loi.

Et si ce n’est pas faisable ?

Nous étudierons alors les solutions alternatives. Mais notre objectif restera de détricoter cette loi qui nous semble illégitime.

Vous organisez votre première réunion publique ce jeudi. Quel est son objet ?

Un rapport sur l’engagement civique a été rédigé et va être dévoilé lors de la réunion. Aujourd’hui, l’engagement civique est complètement délaissé, notamment dans l’Éducation nationale, mais de façon générale dans tous les pans de la société. Comment faire retrouver, aux jeunes en particulier, le goût et la compréhension de cet engagement ? Des propositions très concrètes seront présentées. Nous lancerons par ailleurs un appel à toutes les personnes qui souhaitent s’engager sur les listes municipales. Actuellement, nous avons une trentaine de candidats et nous comptons en réunir davantage dans les semaines à venir. Car Sens commun n’est pas un think tank, il a vocation à jouer un rôle sur le plan des idées mais aussi sur le plan exécutif. Nous serons actifs à tous les niveaux, pour toutes les échéances électorales à venir.