Retrouvez la tribune de Laurence Trochu dans Le Figaro

Le spectacle Bernadette de Lourdes, comédie musicale créée en 2019 et reconnue internationalement, a été exclu du Pass culture collectif par le Rectorat de Versailles. Les enseignants se trouvent donc devant l’interdiction d’y emmener leurs élèves dans le cadre des activités culturelles, qui sont pour certains élèves les seules occasions d’accéder au spectacle musical vivant. Pourtant, le caractère artistique de ce spectacle est incontesté, et salué par les plus grands critiques. La presse le relève : « Un public éduqué pour l’opéra subjugué » (L’Obs), « des décors et costumes stupéfiants de réalisme, la mise en scène pleine d’invention, les chansons ­calibrées pour devenir autant de tubes, les chœurs puissants, les solos émouvants, et le public qui joue des mains, pieds, briquets et téléphones pour quémander un rappel… » (Le Monde).

En tant que Présidente du Mouvement Conservateur, je dénonce une décision arbitraire et idéologique proche de la censure, prise en invoquant un non-respect de la Charte de la laïcité.  Cette même charte affirme pourtant que « la laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée ». La culture commune de la France que nous sommes appelés à partager est précisément faite de cathédrales et de clochers, de peintures, de sculptures et d’œuvres littéraires qui disent la place du christianisme dans notre histoire et notre culture communes. Si nous le nions, ce sont nos musées et nos bibliothèques qu’il faut vider ! Ce sont les mots et les proverbes même de notre langue qu’il faut censurer !

Ce legs culturel s’est transmis dans nos valeurs. Si, en France, la vie d’une femme a autant de valeur que celle d’un homme, c’est parce que dans le christianisme, ils ont une égale dignité. Si, en France, on ne travaille pas le dimanche, c’est parce que la tradition judéo-chrétienne a instauré un jour de repos. Si, en France, nous distinguons le pouvoir de l’Etat de celui de l’Eglise et refusons la charia, c’est parce que le christianisme nous dit de « rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et rendre à César ce qui est à César ».

Affirmer que le spectacle Bernadette de Lourdes contrevient au principe de laïcité, c’est nier l’existence d’une culture française. C’est une erreur historique et une grave faute professionnelle pour une institution qui devrait être garante de la transmission de la culture.

Cette faute est d’autant plus grave à l’heure où la culture est gravement menacée. Selon  une enquête de l’Ifop publiée en janvier 2023, 50 % de la population estime qu’aujourd’hui les Français ont moins de culture générale qu’il y a 50 ans. En 10 ans, cette proportion a augmenté de 17%.

Le secteur des spectacles musicaux n’est pas préservé. Selon une enquête Harris d’octobre 2022, 32 % des spectateurs prévoient de réduire ce type de sorties à l’avenir, un recul qui touche plus particulièrement les plus jeunes (44% parmi les 15-24 ans). Enfin seuls 16 % des Français s’intéresseraient à l’opéra et à la musique classique, une proportion en baisse si l’on en juge par les difficultés que rencontre ce secteur qui doit multiplier les déprogrammations.

Cette décision injuste intervient alors même qu’une contre-culture offensive se développe dans notre pays, qui ne s’embarrasse pas de la laïcité. Le rappeur Médine, connu pour son clip Don’t Laïk dans lequel il développe une critique radicale de la laïcité au nom de l’islam : « je scie l’arbre de la laïcité avant qu’on le mette en terre (…) je mets des fatwa sur la tête des cons (…) à la journée des femmes je porte un burkini, islamo-caillera, c’est l’appel du muezzin » a, lui, bénéficié de la prise en charge pour le pass Culture pour son spectacle du 23 septembre 2023 à Lyon. Est-il vraiment compatible avec la laïcité ? Comment ne pas voir dans la décision du rectorat de Versailles une inutile offense ? Est-ce réellement cette culture de subversion islamique que nous voulons transmettre à nos enfants et à nos jeunes ? Est-ce ce conditionnement des esprits, cet avenir de la France que nous voulons préparer ?

Présidente du Mouvement conservateur, j’en appelle au Ministre de l’Education nationale et au Ministre de la Culture, chargé de la conservation, de la transmission et du rayonnement du patrimoine culturel français. Face à une laïcité trop souvent synonyme de censure pour ce qui s’apparente à la religion catholique, et de complaisance pour tout ce qui a trait à l’islam, il est de leur devoir de réaffirmer la place du patrimoine chrétien dans l’offre culturelle proposée à nos enfants.