chaisesSelon un sondage paru récemment, 76 % des professeurs considèrent que la réforme du collège portée par Najat Vallaud-Belkacem va « niveler par le bas le niveau global des collégiens » (Sondage IFOP – SOS Education, publié le mardi 9 juin). Alors qu’ils descendent pour la deuxième fois dans la rue aujourd’hui, Sens Commun revient sur ce projet qui est loin de répondre aux besoins de notre système éducatif.

Les modifications pédagogiques

On a beaucoup parlé des EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires). L’idée est de croiser les disciplines et de les contextualiser, afin de réaliser des projets collectifs concrets, par exemple un magazine sur la machine à vapeur, ou bien une maquette d’éolienne. Dans les faits, cela engendre une perte de temps considérable pour les professeurs qui doivent se coordonner, et les résultats sont généralement assez pauvres, voire fumeux. Les EPI avaient déjà été testés à l’époque de Jack Lang, et ont été supprimés ensuite. Il faut souligner qu’ils seront, avec cette réforme, pris sur les horaires disciplinaires, ce qui laissera moins de temps aux professeurs pour transmettre les fondamentaux.

Une autonomie de façade pour les établissements

C’est le principal argument des (rares) défenseurs de la réforme, notamment dans l’enseignement privé : celle-ci permettrait d’accroître l’autonomie des établissements, ce qui devrait aller dans le bon sens. Les textes prévoient en effet que 20 % de l’horaire soit laissé à la libre appréciation des chefs d’établissement. Mais ils précisent bien que cette autonomie est « régulée » et « fortement encadrée par la loi ». En réalité, l’autonomie se limite au choix des EPI : les établissements doivent sélectionner 6 modules sur les 8 proposés par le Ministère. Nous sommes donc très loin de l’autonomie réelle nécessaire pour réformer le système scolaire (autonomie dans le recrutement et la gestion des professeurs, autonomie dans la définition du projet pédagogique…).

Une uniformisation des parcours

En fait, la réforme va dans le sens d’un collège toujours plus unique, et plus uniforme. C’est ainsi que les sections SEGPA disparaissent. Supprimées également, les classes bilingues et européennes, au profit du saupoudrage de deux heures et demie de LV2 dans toutes les classes de 5ème. Après la levée de bouclier suscitée par ce projet, le latin et le grec, qui devaient également passer par pertes et profits, demeurent en tant qu’option avec un horaire diminué. Cette suppression de filières spécialisées ou d’excellence au nom d’une idéologie égalitariste est en parfaite contradiction avec le projet républicain qui voulait, selon le mot de Paul Langevin, « assurer la promotion de tous et la sélection des meilleurs ».

Le coût de la réforme

 En 2016, tous les programmes du CP à la 3ème auront changé. Ce qui signifie que les écoles vont devoir changer tous les manuels en une année. Au Primaire, c’est à la charge des communes, au collège des départements. Le Syndicat National de l’Édition estime le coût du renouvellement à 300 millions d’euros pour l’école, et 480 millions € pour le collège, soit 780 M€. L’État n’a pas prévu de budget pour financer ces achats. Où l’argent sera-t-il trouvé ? Le ministère prévoit également l’embauche de 4 000 postes d’enseignants pour mettre en place la réforme. Cela représente une masse salariale d’environ 150  M€. Là aussi, où l’Etat va-t-il trouver l’argent ? Et les 4 000 personnes supplémentaires ? Sachant que, chaque année, dans les concours de l’éducation, il y a moins de candidats que de postes à pourvoir.   

Les programmes

Les programmes font l’objet d’une refonte parallèle à cette réforme et sont en cours de finalisation. La version définitive devrait paraître en septembre 2015, il est donc difficile de se prononcer sur leur contenu pour l’instant, d’autant qu’ils sont formulés dans un jargon pédagogique que l’on croyait réservé aux errements du passé. Toutefois, on constate une nouvelle fois que ces projets de programme visent moins à organiser l’apprentissage progressif et cohérent des savoirs ou des connaissances, qu’à diffuser l’idéologie portée par le gouvernement dans le but de transformer la société par la  jeunesse. Les polémiques récentes sur les programmes d’histoire, la volonté d’instaurer la parité dans les auteurs de littérature présentés, la disparition du terme de « grammaire » ou les coupes des programmes de géométrie illustrent tristement la réalité d’une institution qui renoncerait à transmettre.

Or notre devoir est d’avoir de l’ambition pour tous les collégiens. ( lire la Tribune de Madeleine Bazin de Jessey sur la réforme scolaire (Huffington Post)